Les troubles anormaux du voisinage

Audrey LISE-CADORÉ

Avocat

Article paru dans le Magazine Maisons Créoles Martinique N°127 – P 24

Crédit photo Dan Gold

Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. La Cour de cassation a érigé la prohibition des roubles anormaux de voisinage en principe général du droit. Cependant, un dommage causé à un voisin ne pourra être qualifié de trouble anormal de voisinage que s’il présente des caractères de continuité (permanence ou durabilité, répétitivité) et d’anormalité ou d’excessivité. Plus précisément, il s’agit des dommages causés à un voisin qui, lorsqu’ils excèdent les inconvénients ordinaires du voisinage, sont jugés anormaux et obligent l’auteur du trouble à dédommager la victime (quand bien même ce trouble serait inhérent à une activité licite et qu’aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause).

Ainsi, les inconvénients de voisinage peuvent s’énoncer ainsi : lorsque, dans l’exercice de ses activités licites et normales, une personne cause à son voisin ou à son environnement un dommage qui excède la mesure des inconvénients normaux de voisinage, elle engage sa responsabilité à l’égard des victimes du trouble qu’elle cause. L’existence d’une faute de l’auteur du dommage n’est pas requise. Un trouble anormal de voisinage suffit, indépendamment de la preuve de toute faute, pour engager la responsabilité de son auteur. Cependant, le juge aura plus naturellement tendance à admettre un trouble de voisinage si ce dernier a pour origine un comportement fautif ou négligent. L’action en trouble anormal de voisinage impose que soit démontrée l’anormalité du trouble allégué, par rapport à ce qu’il est convenu d’appeler les obligations ordinaires du voisinage.
Son admission est soumise à l’appréciation souveraine du juge, lequel va apprécier le caractère excessif du trouble en fonction des circonstances de l’espèce. De l’utilisation d’un barbecue dont l’installation est illicite à la construction privant complètement de soleil une habitation, en passant par les aboiements de chiens, cris de coq et autres bruits de basse-cour ou d’animaux plus
familiers, la théorie des troubles de voisinage a donc vocation à s’appliquer à de très nombreuses hypothèses.

Certains types de troubles reviennent néanmoins régulièrement, tels les bruits, la perte d’ensoleillement, les odeurs, fumées, qui sont autant de nuisances à l’origine de troubles de jouissance et de dépréciation de la valeur vénale des propriétés voisines des auteurs des troubles.
L’admission du trouble de voisinage conduit le juge à prononcer des sanctions qui visent au moins à atténuer le trouble pour tenter de le «transformer», en quelque sorte, en inconvénient normal de voisinage et à compenser pécuniairement le trouble qui perdurera. Ce sont les sanctions et réparations de principe, pouvant aller jusqu’à la condamnation à la cessation pure et
simple du trouble. À ces sanctions traditionnelles, il convient cependant d’ajouter le cas particulier de la démolition.
En résumé, le juge prononce des sanctions qui visent, soit à supprimer totalement, soit à atténuer le trouble anormal de voisinage et/ou à compenser pécuniairement le trouble subsistant qui consiste le plus souvent en une perte de valeur de la
propriété des victimes.
Cette présentation juridique synthétique qui s’adresse à un public non initié demeure non exhaustive ou partielle.
En outre, en raison de l’exigence du format et des contraintes dactylographiques, des subtilités juridiques n’y ont pas été exposées.